aujourd’hui je suis devenu un monstre
au premier sens du terme :
celui qu’on montre
un phénomène de foire
le retour de l’enfant prodige
qui cependant ne manque à personne
puisqu’il ne revient
que pour les enterrements
ils reconnaissent ma sœur d’abord
ils la voient plus souvent
et ils ajoutent :
et c’est donc ton fils
les visages défilent que je ne reconnais pas
ou peu
comme s’ils émergeaient à peine
du brouillard de l’enfance
en plus vieux
comme sous un mauvais filtre Instagram
je marche avec des cailloux dans les poches
le long de la longue nef
j’ai le goût du sang dans la bouche
à force de me mordre la langue
sans doute que je ne reverrai pas
la plupart d’entre eux
qui mourront dans mon anonymat
au milieu de larmes
versées par d’autres que moi
pourtant je n’ai pas vraiment fui
c’est comme si la Terre
avait tourné sous mes pieds
mais pas sous les leurs
ils ont le crâne chauve
comme il est de tradition
j’ai le cheveu fin et grâcieux
comme un rebelle en permission
qui repartira au front
avant le coucher du soleil
avant la prochaine
mauvaise nouvelle
Je participe du 28 septembre au 19 octobre 2022 à un atelier d'écriture intitulé "Le corps en tant qu'objet poétique et politique" animé par Pieterke Mol à la Maison du livre de Saint-Gilles. Ceci est le premier exercice de la seconde séance, un texte écrit en 15 minutes commençant par "aujourd'hui je suis..." et dans lequel il fallait ajouter à la volée des mots imposés tels que "caillou", "sang", "sans", "verser", "crâne", "permission"...